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LE SEXE SELON MAÏA
Etes-vous plutôt dominant ou soumis ? Clitoridienne ou vaginale ? Actif, passif, agnostique ? Votre attraction vous porte-t-elle vers la beauté physique de vos partenaires ou vers leur intelligence ? Chaque été, nous sommes assaillis de ce genre de quiz – toujours plus créatifs quand il s’agit de nous compartimenter. La promesse est simple : mieux se connaître. Mais pas grand monde ne nous met en garde contre le risque consistant à s’enfermer dans des identités toujours plus étroites et rigides.
Or, ce qui est paradoxal, c’est que nous faisons toutes et tous l’expérience de moments où notre sexualité se décadre. Après quarante ans d’hétérosexualité, certaines mères de famille trouvent leur bonheur dans les bras d’une femme. Après le quatrième Spritz, certains hommes dominants se retrouvent à quatre pattes. Après deux nuits sans sommeil, les obsédés sexuels préfèrent une camomille à une partie de jambes en l’air. Parfois, l’aventure d’un soir révèle le potentiel orgasmique de nos seins, le rêve érotique fait émerger une nouvelle facette du plaisir, le sadomasochisme testé « pour rigoler » se transforme en religion.
Ces surprises arrivent à des milliers de personnes chaque jour. Au point que si on collait bout à bout toutes les exceptions, tous les états modifiés de conscience, toutes les influences, toutes les surprises, l’idée d’une « essence » sexuelle s’écroulerait. Il n’est d’ailleurs pas exceptionnel qu’à force d’accumuler les pas de côté, nos préférences finissent par se retourner comme une crêpe. Les oies blanches deviennent de redoutables dominatrices, les compulsifs se rangent : il faudrait ne jamais dire jamais.
Si on était raisonnable, on se laisserait donc un peu de marge au moment de s’autodéfinir. Non qu’il faille faire une croix sur toutes les étiquettes – il est parfaitement exact que des identités comme « asexuel (le) » ou « queer » permettent de mieux se comprendre, de mieux se faire comprendre et de créer des communautés utiles pour résister aux discriminations… mais c’est moins vrai pour « cougar » ou « shibariste » (adepte de l’encordement). Dès qu’on creuse, le diagnostic sexuel a tendance à se nuancer. Les contingences apparaissent. Les contradictions s’empilent. La préférence devient une simplification hâtive du désir et, après des années ou des décennies de couple, elle peut même commencer à ressembler à une cage.
Il faut dire qu’une fois les inclinations communiquées aux personnes concernées, on a beaucoup de mal à revenir en arrière. C’est bien normal. Il est tellement embarrassant de verbaliser ses secrets qu’on s’attarde rarement sur les méandres du plaisir… d’autant que sur l’oreiller, dans l’urgence, on imagine mal se lancer dans une conférence exhaustive (« j’aime le contact des sex-toys en bois, plutôt chêne ou érable, sauf les mardis et jusqu’à nouvel ordre »).
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